5 Mai 2014
Un commentaire vient d'être posté par Brutus sur l'article LA SPIRITUALITÉ, PRINCIPE DE LA LIBERTÉ ET DE LA CRÉATIVITÉ DE LA VIE, sur votre blog Le blog de le-myosotis.de.septimanie.over-blog.com
« La spiritualité est ce qui a trait à l'esprit, à la pensée. Naturellement elle peut être de nature religieuse ou philosophique. L'humanisme est ainsi une spiritualité comme l'est aussi par exemple le christianisme. Ceux qui veulent réduire la franc-maçonnerie à une institution qui paraphrase le discours des églises se trompent tout autant que ceux qui veulent la politiser. L'œuvre maçonnique est simple; elle est fondée sur la tolérance le rapprochement des altérités. Vouloir des maçons identiques (en l'occurrence tous religieux) est une hérésie. »
Tous les aprioris idéologiques de la Franc-maçonnerie de la voie substituée sont présents dans ce commentaire.
Aussi, bien qu’ayant déjà publié un article sur les éléments de fond qui différencient radicalement la Franc-maçonnerie initiatique « régulière » de la Franc-maçonnerie culturelle et mondaine INITIATION ET FRANC-MAÇONNERIE CULTURELLE - Le blog de le-myosotis.de.septimanie.over-blog.com- je propose que nous examinions à partir du texte ci-dessus, le sens, et la portée effective du système initiatique de « la voie substitué »
Déclarer que « la spiritualité, est ce qui a trait à l'esprit, à la pensée » procède d’une volonté réductrice, visant à discréditer d’entrée de jeu les écrits de ce blog qui se prononcent en faveur d’un strict retour aux principes fondamentaux de la maçonnerie initiatique.
Depuis quelques mois en effet, nous avons entrepris de re-légitimer en profondeur -et nous l’espérons aussi, durablement- la puissance exceptionnelle d’une Franc-maçonnerie régulière, fondée sur le pouvoir « opératif » de l’initiation maçonnique de tradition spirituelle.
Pourquoi ?
Ce travail de mise en évidence de la crédibilité « opérative » de la Franc-maçonnerie initiatique de stricte régularité, comporte évidemment un volet critique à l’encontre de la Franc-maçonnerie « substituée », puisqu’il démontre -à contrario- qu’en s’écartant des principes de la régularité initiatique, la Franc-maçonnerie de la voie substituée a perdu son « effectivité », pour devenir une maçonnerie de convention sociétale, de pur mimétisme, incapable d’opérer une mutation spirituelle digne de la vocation téléologique de la Franc-maçonnerie.*
*Rappelons que pour la Franc-maçonnerie régulière, la vocation téléologique de la Franc-maçonnerie est l’advenir d’une humanité libérée de sa servitude égotique et parvenue à la connaissance des réalités spirituelles du monde, travaillant dès lors à la seule Gloire du Grand Architecte de l’Univers.
C’est la raison pour laquelle notre commentateur, opposé (à en juger par le contenu de son commentaire) à toute forme de maçonnerie spirituelle et partisan d’une Franc-maçonnerie culturelle de type positiviste, s’empresse de ramener l’esprit à la dimension d’une pensée ordinaire, loin des dimensions transcendantales et immanentes que nous avons mises en évidence et qui, de notre point de vue, font de l’esprit « la clé de voute » de la maçonnerie régulière.
Car définir la spiritualité comme un concept appartenant à la catégorie de la pensée spéculative ; lui retirer son caractère spécifique de lien (religieux, de Mundus imaginalis) entre le monde sensible (terrestre) et le monde intelligible (divin), revient à dénaturer la spiritualité, à la « dévitaliser », à la renvoyer à l’espace culturel démonétisé des « croyances irrationnelles » et des « idéalités superstitieuses »
Car le dilemme est bien là :
- Ou bien l’Esprit est en l’homme une réalité transcendantale en même temps qu’une présence effective, et alors l’être humain peut espérer, par l’initiation, accéder au Royaume de la connaissance spirituelle et par voie de conséquence se retrouver en situation d’œuvrer avec la justesse que procure la connaissance de l’Esprit, à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers.
- Ou bien à l’opposé, la Franc-maçonnerie est un système de culture et de croyances humaines, un ensemble de concepts intellectuels, une fiction, un idéal de moralisme, sans connexion véritable avec la réalité, et alors les systèmes de Franc-maçonnerie sont du point de vue sociétal, de valeur équivalente, puisque rien ne permet de départager les croyances qui les constituent (relativisme absolu, chacun étant juge pour soi-même d’une régularité définie à partir de valeurs propres)
NB. : C’est parce que la Franc-maçonnerie de la voie substituée ne croit pas à l’esprit, qu’elle ne voit dans l’initiation qu’une survivance des temps anciens dont elle ne conserve l’usage qu’à titre de rattachement folklorique (qu’elle appelle « tradition ») et de « liant » affectif (qu’elle appelle « partage » des mystère).
D’ailleurs certains Francs-maçons assimilent cet attachement sentimental à une authentique « pensée spirituelle » (de type magique puisque incompréhensible), alors que d’autres le considèrent comme une survivance superstitieuse dont on pourrait aisément se passer sans qu’il en résultat le moindre inconvénient.
De fait, les rites initiatiques des systèmes « substitués » n’étant en rien porteurs d’une puissance transcendantale -à laquelle ils ne croient pas- ; ils ne peuvent avoir qu’un rôle marginal, quasi-anecdotique.
Après avoir assimilé la spiritualité à une construction intellectuelle, à un système de pensée, à une doctrine, un dogme, une idéologie, à une théorie quelconque dans la relativité absolue des théories humaines et ayant ainsi écarté tout ce qui fait de l’esprit une réalité vivante d’origine mystérieuse (une réalité religieuse donc), notre commentateur s’autorise ensuite à déclarer que « l’humanisme est une spiritualité comme une autre » ; expression de pur « bonneteau intellectuel », puisqu’il est facile de constater, qu’en vertu de l’assimilation triviale de la spiritualité à un quelconque « système de pensée », toutes les conceptions idéologiques en « isme » peuvent être indifféremment invoquées.
Ainsi notre commentateur aurait pu écrire que « le communisme est une spiritualité au même titre que le christianisme » ou bien que « le nombrilisme est une spiritualité au même titre… », ou bien que « le machinisme… » ou bien que …
Car, tous les « ismes » du vocabulaire français, ont vocation à devenir, en vertu de cette manipulation de sens, les fondements doctrinaux d’une Franc-maçonnerie « spirituelle »*
*Remarquons cependant que notre commentateur a cru bon de choisir « le christianisme » comme référentiel. (Référentiel relatif et culturel certes, mais référentiel tout de même)
Est-ce par coquetterie culturelle, pour bien montrer qu’il n’ignore pas que la spiritualité chrétienne fut le support de la spiritualité maçonnique -du moins jusqu’au moment où -si l’on comprend bien son propos- elle aurait été supplantée par la « spiritualité humaniste » (sic) ?
Ou bien est-ce parce que, même s’il s’en défend, il n’a pu s’empêcher de relier la notion de spiritualité à une dimension « religieuse », le christianisme restant de ce point de vue, un référentiel culturel occidental, « respectable et de qualité » (à fortiori pour l’« humanisme », car même si certains s’en défendent, l’humanisme est avant tout héritier de la spiritualité chrétienne)
*Notons également au passage qu’il n’est pas question pour la Franc-maçonnerie régulière de tradition de rejeter les vertus prônées par le courant culturel humaniste ; la Franc-maçonnerie régulière bien comprise étant d’évidence une maçonnerie de l’action dans le monde réel, puisqu’elle donne à l’homme, mission expresse de continuer en esprit et en vérité, dans le monde, l’œuvre divine de la création.
(Dans la Genèse, Dieu lui-même a confié à l’homme, le soin de continuer la création selon « Son » Esprit (ressemblance). N’est-ce pas là, la vocation humaine la plus humaniste qui soit ?)
Mais il reste évident que l’humanisme -et singulièrement les courants historiques et intellectuels plus ou moins hétérodoxes qui se rattachent à ce terme de nos jours- n’est qu’un système de pensée culturelle qui n’a pas de puissance initiatique effective.
On lit dans cette troisième proposition que la Franc-maçonnerie n’a rien à voir avec les discours des églises et des politiques, discours au demeurant compliqués alors qu’à en croire notre commentateur, la Franc-maçonnerie relève d’une conception beaucoup plus « simple »
Elle « se fonde simplement », déclare-t-il, sur la mise en œuvre d’une morale « de tolérance » (acceptation de l’autre) et « sur un rapprochement des altérités » (souci de l’autre)
Ainsi selon cette définition, sont maçons, tous ceux qui dans une institution maçonnique quelconque, partagent cette morale.
Pour notre commentateur, être maçon c’est donc tout simplement, partager une morale de tolérance et d’altérité. C’est aussi simple que cela !*
*Et il laisse entendre en définitive que la Franc-maçonnerie substituée rejette l'introspection, l'intuition et aussi toute les approches métaphysiques, pour expliquer la connaissance du « phénomène maçonnique », ce qui le conduit à écarter « l’illusion spirituelle »** et à la remplacer par des impératifs de conduite morale, positivement imposés par les exigences (généralement démocratiques ?) de la vie en société (positivisme).
**Pour la Franc-maçonnerie substituée, la spiritualité est un concept inutile ; un concept inopérant, l’initiation n’ayant en vérité aucune efficience transformatrice puisque l’initiation, les rites, les dimensions sacrées n’ont jamais été autre chose que les simulacres et les croyances d’une époque où les superstitions religieuses berçaient encore d’illusions une humanité naïve et irrationnelle.
Pour la Franc-maçonnerie substituéee, du point de vue historique, la Franc-maçonnerie ne fut jamais autre chose qu’une avant-garde humaniste qui nous a transmis les exigences, de « tolérance » et « de rapprochement des altérités », qui avaient cours dans les confréries maçonniques originelles.
Telle est en somme la posture avantageuse de tolérance et d’ouverture d’esprit, dans laquelle la Franc-maçonnerie substituée se drape, pour tenter de rejeter à contrario la maçonnerie spirituelle dans le discrédit passéiste de l’intolérance et de l’isolement dogmatique.
Tel est son positionnement tactique :
Seuls les insensés peuvent nier que tous les hommes sont « frères et sœurs » en humanité ?
Seuls les insensés peuvent nier aussi, que toutes les conceptions de la Franc-maçonnerie convergent pour admettre à minima, un idéal de tolérance et la nécessité d’un rapprochement des altérités ?
Mais ce positionnement est inopérant.
En effet ce que j’interroge dans mes exposés et donc, ce que notre intervenant est censé commenter, ce n’est pas de savoir si la Franc-maçonnerie offre à ses membres la possibilité d’adopter un comportement dit « humaniste » puisque cette interrogation ne nous renseigne en rien sur la « vérité » de la Franc-maçonnerie.*
*Partager des valeurs « morales » n’est en rien caractéristique de la Franc-maçonnerie, puisque c’est aussi ce que font toutes les associations philanthropiques, comme d’ailleurs toutes les associations en général et même plus généralement, tous les groupements d’hommes.
Car mon propos n’est pas de savoir si les hommes ont envie d’être vertueux ou si tous les clubs qui réunissent des hommes qui s’efforcent de devenir vertueux, sont réellement maçonniques.
Mon propos interroge le fait de savoir si la Franc-maçonnerie dont nous sommes les continuateurs, celle issue des bâtisseurs de cathédrale, rassemblement d’hommes libres, porteurs des ambitions supérieures d’une humanité spirituelle ayant vocation à accomplir une œuvre de dimension divine (« la gloire du Grand Architecte de l’Univers ») est encore possible de nos jours.
*Il s’agit notamment de savoir, si la Franc-maçonnerie a encore un sens (autre que clubiste)? Si elle a une effectivité tangible (change-t-elle les hommes ou leur donne-t-elle à bon compte l’illusion narcissique d’acquérir une belle âme) ? Si elle est encore une voie d’avenir, un espoir pour l’humanité (ou si elle est un folklore décati plus ou moins voué à disparaître rapidement) ?
Les réponses à ces questionnements ne peuvent pas être simples.
Mais malgré tout, on peut d’ores et déjà dessiner une ligne de partage essentielle :
Ce qui sépare la Franc-maçonnerie initiatique traditionnelle d’un quelconque club de vertu (y compris un club qui se prétend maçonnique), c’est la confiance que chacun accorde ou n’accorde pas, à cet instrument aussi vieux que l’humanité, qui caractérise la Franc-maçonnerie régulière de tradition, que l’on appelle « l’initiation ».
Un club de vertu demande à ses membres de se comporter en hommes vertueux, comme si c'était simple et comme s’il suffisait de le vouloir. (Nous savons bien que ce n’est pas le désir de vertu qui manque à l’humanité, mais le chemin. Et faute de connaître le chemin, celui « qui veut faire l’ange fait la bête », nous dit Pascal) ;
Alors que la Franc-maçonnerie initiatique offre par l’initiation, à tout homme, la possibilité effective de devenir un homme spirituel. ( et non pas "culturel")
C'est très précisément, en raison de l'effectivité concrète de son sytème d'initiation, que l'on mesure l'incommensurable supériorité de la Franc-maçonnerie initiatique de régularité traditionnelle.
Aussi est-il nécessaire, plus que jamais et aussi longtemps qu’il le faudra, de poursuivre la mise en évidence des « règles strictes » et des mécanismes par lesquels la Franc-maçonnerie initiatique de tradition, conduit l'initié, sur les chemins de la Connaissance.
Raminagrobis