27 Février 2013
CLUBISME, INITIATION ET MAUVAIS COMPAGNONS
Preuve que la franc-maçonnerie n’impressionne plus personne, la presse se fait périodiquement l’écho des ligueurs antimaçonniques, des sceptiques rigolards et des incroyants « de toutes confessions », qui brocardent la maçonnerie comme une sorte de parasitisme social, certes désuet mais encore nocif.
Les journaux ironisent d’autant plus allègrement sur « les FF trois points », « les FF La gratouille », « les FF invisibles » ou « les Pieds Nickelés de la combine », que leurs colonnes offertes au voyeurisme de leurs lecteurs (qui apparemment ne se lassent jamais de lire les mêmes rengaines), trouvent à profusion des « maçons exemplaires » qui viennent « à titre exceptionnel » (affirment-ils), dévoiler « en exclusivité » les prétendus secrets « inviolables » de la Franc-maçonnerie.
De fait, comme on peut le voir, le microcosme journalistique s’essuie allègrement les pieds sur les « mystères » de la franc-maçonnerie, en ajoutant, pour mieux barater le beurre rance de ses propos, quelques sous-entendus malveillants et aussi quelques escroqueries minables réellement imputables à des maçons reconnus.
L’étonnant dans tout cela est qu’il semble bien que ces évocations malodorantes ne dérangent personne !
Pendant que les maçons sincères et honnêtes constatent que le « Grand public » se représente la maçonnerie (dans son ensemble et les maçons que nous sommes en particulier) comme une organisation plutôt opaque et malsaine, les obédiences (qui sont censées nous représenter), restent muettes, persuadées que le discrédit médiatique de la maçonnerie ne les atteint pas car, assurent-elles, « c’est uniquement la concurrence qui est visées ». (Autrement dit ne sont concernées que « les mauvaises obédiences »)
Elles ajoutent, adoptant les préceptes débiles des maîtres à penser de la communication médiatique : « Peu importe ce qui est écrit sur nous, pourvu que l’on parle de la franc-maçonnerie. Après tout cela prouve que nous suscitons encore la curiosité, et puis une mauvaise image vaut mieux que pas d’image du tout »)
On le voit, pour « exister » dans le monde médiatique, la franc-maçonnerie accepte sans réagir, les lazzis et les quolibets des « faiseurs d’opinion ».
Pourquoi ces humiliations, alors que dans son essence la franc-maçonnerie initiatique est une institution noble et respectable ?
Et pourquoi la franc-maçonnerie initiatique, la véritable maçonnerie, n’est-elle jamais défendue ?
Tout simplement parce que dans le contexte de racolage concurrentiel qui agite le monde maçonnique, les obédiences proposent à peu de frais une « initiation de façade » ouverte à tous ceux qui pensent que l’on peut s’offrir « une spiritualité » comme l’on s’offre une voiture ou une place de cinéma.
En fait, la lutte acharnée entre les obédiences a engendré une maçonnerie qui, pour mieux se vendre, a totalement écarté les exigences et les précautions fondamentales, qui conditionnent la nature opérative de la maçonnerie initiatique.
C’est ainsi que l’on constate que la maçonnerie clubiste accepte d’initier des inconscients qui proclament ouvertement leur hostilité à toute forme de méditation symbolique, alors que celle-ci est à l’évidence la clef spirituelle par laquelle l’initiation opère ses mutations.
Il est symptomatique de remarquer que, pour se donner bonne « figure », ces maçons proclament - sans encourir la moindre objection de la part de l’environnement clubiste - que le symbolisme est un « blabla » sans intérêt, une élucubration d’« intellectuels » compliqués. « Nous, nous ne sommes pas intello », ajoutent-ils fièrement, « mais cela ne nous a pas empêchés de devenir ce que nous sommes »
Sur de telles bases, qui peut croire que des individus à ce point satisfaits de leur personne seront un jour en capacité de « renoncer » à leur autosatisfaction afin de « devenir » des initiés véritables ?
Mais, ils ne sont pas seuls car la maçonnerie clubiste accepte aussi d’autres individus qui pour leur part, et à l’inverse des précédents, n’ont de cesse que de se précipiter dans le pédantisme (et aussi le psittacisme) des « hauts grades », seule instance « supérieure » susceptible à leurs yeux, de les initier à une spiritualité de « haut niveau », véritablement digne de leur personne.
Ceux-là non plus ne comprendront jamais la noblesse des trois degrés initiatiques de la maçonnerie traditionnelle, car ils ne peuvent admettre qu’une fois l’initiation intervenue de manière pleine et effective, la maçonnerie cesse d’être une quête savante, une érudition spéculative et orgueilleuse, pour laisser place à la joie de conduire sa vie, ici-bas, dans la paix, la lucidité, l’humilité et la modération d’une sagesse accomplie.
Pour ceux-là, la maçonnerie traditionnelle est trop simpliste, trop ordinaire pour pouvoir satisfaire l’immense grandeur qui les habite. Ils préfèreront poursuivre la quête des secrets de la toute-puissance maçonnique, même s’il est évident qu’ils ne les trouveront jamais.
En fait les comportements apparemment opposés de ces deux types de maçons relèvent d’une seule et même inaptitude. Les premiers, bornés et terre-à-terre, ne croient pas à l’Esprit dont ils ne voient pas « l’utilité », tandis que les seconds dans leur recherche exaltée de grandeur, refusent la dimension terrestre de leur humanité car ils se prennent « pour Dieu »
Comme on le voit, en renonçant aux exigences de la maçonnerie initiatique, la maçonnerie clubiste est dans l’impossibilité d’obtenir de ses « initiés » qu’ils laissent mourir « le vieil homme » qui est en eux. C’est pourquoi elle est condamnée à ne pratiquer qu’une maçonnerie « substituée », une maçonnerie productrice de mauvais compagnons ; d’hommes à qui la franc-maçonnerie n’est qu’une occasion supplémentaire d’accroître leur mondanité et leur paraître.
En épousant les facilités mercantiles de notre temps, (qui ne sont que les versions renouvelées des perversions ancestrales d’une humanité immature), la franc-maçonnerie clubiste a contribué à l’effacement de la dimension initiatique de la maçonnerie.
N’étant plus soutenue par la confiance et la foi initiatique, celle-ci se meurt.
Il est donc urgent de réagir.
On se souvient que c’est après avoir constaté avec stupéfaction que l’incroyance s’est instaurée parmi les hommes d’une manière irréversible et généralisée suite à des siècles de pratiques religieuses matérialistes et décadentes, que Nietzsche s’est écrié :
Ainsi me dit un jour le diable : « Dieu aussi a son enfer : c’est son amour des hommes. »
Et dernièrement je l’ai entendu dire ces mots : « Dieu est mort ; c’est sa pitié pour les hommes qui a tué Dieu. »
« Comment pûmes-nous boire la mer jusqu'à la dernière goutte ? Qui nous donna l'éponge pour faire disparaître tout l'horizon ? »
(Ainsi parlait Zarathoustra)
Puissions-nous faire en sorte que la mer initiatique ne soit pas vidée.
En ces temps de remise en Ordre où l’on constate avec satisfaction que la GLNF exige désormais de sa hiérarchie administrative et notamment de ses Grands Maître provinciaux, qu’ils respectent la souveraineté initiatique des Loges, puissent nos réformateurs remettre l’initiation au centre de notre maçonnerie.
Puissent-ils dans cette perspective, faire en sorte que dans la réforme constitutionnelle qui doit intervenir, les Loges maçonniques retrouvent en plénitude, en Esprit et avec Méthode, la possibilité de transmettre l’Initiation véritable.
RAMINAGROBIS